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(1/2) La nouvelle ère des licences libres
En 1972, l’avocate et politologue féministe Jo Freeman (Wikipedia) publiait un article sur « la tyrannie de l’absence de structure » (voir sa traduction en français) où elle critiquait les formes d’organisation ouvertes, sans chefs. Elle remarquait que ces structures implicites rendaient plus difficiles de reconnaître, contester où éliminer les rapports de domination qui y prospéraient… Cette critique n’a pas empêché le récit des structures sans hiérarchies de prospérer, à l’image par exemple des propos tenus par Yochaï Benkler, notamment dans La Richesse des réseaux (Yale University Press, 2006, traduction française Presses universitaires de Lyon, 2009) vantant la coproduction et faisant l’éloge des activités ouvertes, non hiérarchiques, non marchandes et en réseau… explique le professeur Nathan Schneider (@ntnsndr), initiateur du Media Enterprise Design Lab (@medlabboulder) de l’université de Boulder, et également, avec Trebor Scholz du mouvement des plateformes coopératives (voir notamment notre article de 2015, « Vers des plateformes réellement coopératives ») dans un article de recherche intitulé « la tyrannie de l’ouverture ».
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(2/2) Multiplier les outils d’une gouvernance distribuée
« Un bien commun doit avoir un moyen de discerner le bien commun »
L’open source est certainement devenu le principal mode de développement logiciel. Mais, plutôt que de diminuer le pouvoir des entreprises, comme l’espérait Benkler, la production de logiciels open source a intensifié le pouvoir des grandes entreprises de la tech, avance Schneider. Le rêve d’un « bureau Linux », finalement, a été réalisé par les téléphones Android et le Chromebook de Google, basés sur Linux. Malgré la force de sa critique de la propriété intellectuelle, le mouvement open source n’a peut-être pas été la subversion qu’on en attendait !
Les critiques féministes permettent de prolonger la subversion des logiques du capital. Pour Schneider, plutôt que d’ajouter des restrictions, il nous faut repenser les licences open source pour qu’elles permettent une réciprocité plus profonde. Les licences seules n’y suffiront peut-être pas, souligne le chercheur, qui estime qu’elles doivent être couplées à des structures comme les coopératives ouvertes théorisées par le théoricien du pair à pair Michel Bauwens (@mbauwen), les organisations autonomes distribuées ou le coopérativisme de plateforme. « Dans ces modèles, la production par les pairs n’est pas périphérique à l’entreprise, mais fournit la logique pour l’entreprise elle-même ». « Ce type d’approche introduit un nouveau contrat social pour l’activité productive, dans lequel les contributeurs créent des biens publics tout en recevant une rémunération proportionnelle à la valeur estimée de leurs contributions. »
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