La Fondation littéraire Fleur de Lys réfère cet article de la revue Le Coq-Héron dans le cadre de son dossier Philothérapie – Quand la philosophie nous aide.
L’adolescence : l’entre-deux de tous les paradoxes
Jocelyne Delafraye, Le Coq-héron 2013/3
Résumé
Professeur de philosophie, j’anime, au sein d’un lycée, un atelier de « philothérapie » destiné à des élèves de premières littéraires, dont l’esprit socratique est « Connais-toi toi-même ». La médiation par les textes introduit du tiers et favorise, chez les adolescents, l’émergence des inquiétudes existentielles et permet de relier l’individuel de leurs questionnements à l’universel de la condition humaine. Parallèlement, j’ai été amenée à accompagner, de manière plus personnelle, un élève souffrant de « phobie scolaire ». De ces rencontres avec les adolescents au fil des ans, de ce qu’ils m’ont appris d’eux-mêmes, des émotions qu’ils ont fait naître en moi, est né cet article théorique.
Premier paragraphe de l’article
Avant de vous présenter mon article qui trace les grands traits de la construction adolescente, il me faut indiquer de quelle place je parle. Professeur de philosophie durant de longues années dans un grand lycée secondaire, ayant fait l’expérience de l’analyse, ce cheminement m’a donné un regard, une écoute particulière et m’a amenée à aider des adolescents en difficulté. Depuis trois ans, le mercredi après-midi, j’anime bénévolement, avec l’accord du proviseur, un atelier intitulé : « Connais-toi toi-même. » Atelier qui n’est ni pédagogique ni psychothérapeutique, qui se situe dans l’entre-deux, sur la crête et que l’on pourrait désigner comme une forme de « philothérapie ». Je propose, aux adolescents qui le souhaitent, des thèmes de réflexion ou des textes philosophiques concernant les grandes questions relatives à la condition humaine, la quête de l’identité, de la liberté intérieure, le sens de la vie, la mort… L’intérêt de la médiation par les textes est qu’elle introduit du tiers et permet d’éviter à l’adolescent le face-à-face avec l’adulte, vécu le plus souvent comme inhibant, angoissant, voire intrusif. Ce cadre favorise l’émergence des inquiétudes existentielles et donne à la parole l’occasion de circuler librement. Il donne la possibilité aux adolescents de figurer, de métaphoriser leurs questionnements et préoccupations intérieures, de les élaborer en écho à ceux des autres, de les mettre à distance en les rendant partageables. Et leur permet de relier l’intime de leur histoire personnelle à l’universel de la communauté invisible des hommes qui cherchent, souffrent de leur finitude et luttent pour rendre plus habitable la condition humaine en y ajoutant de la vérité, de la beauté, de la justice, bref de l’humanité.
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