Votre éditeur prend position
Le Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec qualifie nos œuvres de « littérature sauvage »
Serge-André Guay, président éditeur
Fondation littéraire Fleur de Lys
Intrigué par le titre « La littérature sauvage » sur une édition en ligne de la revue Mémoires du livre / Studies in Book Culture (Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec – Université de Sherbrooke), je me suis précipité pour en lire l’introduction offerte gratuitement en ligne. Le texte commence ainsi :
On doit l’expression « littérature sauvage » à Jacques Dubois qui, se penchant sur les marginalités possibles des « littératures minoritaires », l’employait au pluriel pour désigner les productions « qui ne participent d’aucun des réseaux [habituels] de production-diffusion, qui s’expriment de façon plus ou moins spontanée et se manifestent à travers des canaux de fortune[1] ».
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[1] Jacques Dubois, L’Institution de la littérature, Bruxelles, Labor, « Espace Nord », [1978] 2005, p. 192.
Selon les dires de Jacques Dubois, nous, la Fondation littéraire Fleur de Lys et ses auteurs, serions dans le domaine de la « littérature sauvage ». Je ne peux pas reprocher à ce monsieur Dubois l’usage du mot « sauvage » tant et aussi longtemps que mon libraire ne pas pas livré mon exemplaire de son livre. En revanche, je le sais né en Belgique où l’usage du mot « sauvage » n’a certainement pas la même signification qu’au Québec. Je vais donc lire son essais « L’institution de la littérature » avant d’aller plus loin, du moins en ce qui le concerne.
Il en va autrement du numéro « La littérature sauvage » de la revue Mémoires du livre / Studies in Book Culture éditée le Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de SHERBROOKE. Nous sommes ici en territoire QUÉBÉCOIS où l’usage du mot « sauvage » a une connotation historique très négative. J’ai connu l’époque où l’on traitait au Québec les « indiens » de « sauvages », c’est à dire, pour être poli, de « Primitif (s’oppose à civilisé) » selon la définition du dictionnaire Le Robert par égard à un être humain. Aujourd’hui, même le mot « indien » est péjoratif; il est d’usage désormais de parler des Premiers Nations. Et il n’est pas question de les désigner comme des « sauvages ». On peut utiliser le « sauvage » que pour parler des animaux qui vivent en liberté dans la nature.
Mais sous l’égide du Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de SHERBROOKE, nous voilà devenus des auteurs de « littérature sauvage ». Je n’accepte pas que des universitaires, québécois de surcroît, classent nos œuvres dans la catégorie de la « littérature sauvage » compte tenu du passé historique très péjoratif de cet adjectif dans l’Histoire du Québec. Et ce n’est pas parce que l’on doit l’expression « littérature sauvage » à l’auteur Jacques Dubois dans son essai « L’institution de la littérature » qu’on trouve là une excuse à l’usage cette appellation; il s’agit d’un CHOIX.
Et le Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec (GRÉLQ) de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de SHERBROOKE ne se contente pas d’utiliser l’expression dans un article mais il baptise le numéro de sa revue « La littérature sauvage ». L’expression se retrouve donc en page couverture. J’ai le cœur sensible lorsque des gens dévalorisent le travail et les œuvres des auteurs amateurs. Dans l’introduction de ce numéro de Mémoires du livre / Studies in Book Culture, nous lisons « Ces contributions, naturellement, n’ont pas pour objectif d’épuiser la réflexion sur les productions littéraires et artistiques que leur résistance aux normes de l’institution permet de désigner comme »sauvages ». » C’est la « résistance aux normes de l’institution » qui justifie le GRÉLQ que l’on traite nos œuvres de littérature sauvage. Il n’y pas de résistance aux normes de l’institution dans mon cas personnel et il en va de même de plusieurs des auteurs de la Fondation littéraire Fleur de Lys. Nous sommes des auteurs amateurs qui écrivent à loisir et nous en sommes fiers. Nous ne sommes pas des gens frustrés par de nombreux refus de l’institution. Nous ne sommes pas à la recherche d’une approbation de l’institution. Plus encore, plusieurs de nos auteurs ne présentent même plus leurs manuscrits à l’institution. Il n’est pas vrai d’affirmer : « Parce qu’elles ont été écartées du monde de l’édition en raison de leur piètre qualité ou de propos transgressifs, parce que leurs auteurs préfèrent investir d’autres voies, certaines productions littéraires trouvent à se déployer sur des supports différents. » Aussi, le livre n’est plus désormais « le symbole, cristallisant les fonctions de chacun des acteurs de cette communication spécifique (de l’écrivain au lecteur, en passant par les médiateurs indispensables que sont l’éditeur, le libraire ou le bibliothécaire (…) » Le livre vit aussi en marge de l’institution.
Mais nous sommes dans le milieu universitaire, c’est-à-dire un milieu coupé de la réalité du terrain ou, si vous préférez, refermé sur lui-même.
Dans ce numéro de la revue, on trouve aussi un article sous le titre « L’édition hors édition : vers un modèle dynamique. Pratiques sauvages, parallèles, sécantes et proscrites » à lire pour saisir toute l’ampleur du détournement universitaire d’une pratique aussi simple que « le loisir créatif » (loisir littéraire). À la suite de la « littérature sauvage » s’inscrit « l’édition sauvage » tel qu’illustrée dans ce graphique de la revue :
Dans ce graphique, les « loisirs créatifs » débouchent sur une « Production créative non publiée ». De là, on peut comprendre que toute ambition de publication par celui ou celle qui s’abonne à un loisir créatif (loisir littéraire) génère automatiquement un saut dans l’«édition parallèle». Or, cette dernière est constamment mise en perspective d’une perte face à l’édition à compte d’éditeur, face à l’édition traditionnelle. Mais, ce n’est pas le cas dans la vie de tous les jours de ceux et celles qui pratiquent des loisir littéraires, de l’écriture au partage de cette dernière sous forme de livres numériques et/ou imprimés avec ses proches et son réseaux.
Le passage à la publication dans le cadre d’un loisir littéraire n’implique pas automatiquement des ambitions pécuniaires à mettre en comparaison avec les gains ciblés par l’édition traditionnelle. Cette idée de considérer l’Institution littéraire en opposition aux loisirs créatifs ne tient pas la route. Il ne s’agit pas de mondes parallèles. Celui ou celle qui écrit et publie à loisir ne se voit pas plus aux Olympiques que le skieur de fin de semaine. Ce skieur ne se dit pas « je vais dévaler les pentes à loisir puisque je ne peux pas le faire en tant que membre de l’équipe olympique ». Il y a des gens pour qui un loisir demeure un loisir, par définition et dans la pratique.
L’idée à savoir qu’est-ce qui est « littéraire » et qu’est-ce qui est reconnu à ce titre par l’« Institution littéraire », nous nous en foutons.
Et nous savons fort bien que nos ouvres dites « sauvages » par les universitaires font tout de même la belle part du patrimoine littéraire du peuple. Notez que les lois sur le dépôt légal s’applique aux « publications » et non pas uniquement aux œuvres littéraires commercialisées par l’industrie du livre et les indépendants.
Si nous nous référons uniquement aux œuvres commercialisées par l’industrie du livre pour désigner le patrimoine littéraire, nous mettons de côté plus de 90% des écrits de nos auteurs amateurs (adeptes de loisirs littéraires), des auteurs entrepreneurs (indépendants) et des écrivains professionnels. Il ne faut jamais oublier que les maisons à compte d’éditeur refusent plus de 90% des manuscrits soumis à leur attention. Même la plus grande des librairies n’offre que 10% des écrits de nos écrivains professionnels.
Les universitaires se lanceront peut-être dans une vaste opération de différenciation du « patrimoine littéraire » du « patrimoine écrit et publié », c’est dans leur nature. Mais nous savons tous que les œuvres publiées dans le cadre d’un loisir littéraire nous renseignent autrement sur les us et coutume d’un peuple que ne le feront jamais la « la littérature littéraire », y compris les grands classiques littéraires. Il en va de même des archives photographiques qui doivent davantage aux photographes amateurs qu’aux photographes professionnels.
Personnellement, j’en ai assez de ces universitaires de la littérature et du littéraire qui nous traitent nos œuvres de « sauvages » parce qu’ils nous méconnaissent par dépit de la réalité terrain.
Je ne suis pas du genre hypersensible aux mots qui font désormais polémique, tel que le mot dit en « N ». En revanche, je crois que le Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec en titrant un numéro de sa revue Mémoires du livre / Studies in Book Culture « Littérature sauvage » et en justifiant ce titre en référence à l’ouvrage d’un universitaire Belge a manqué de sensibilité face au peuple québécois en écriture. Si le mot « sauvage » ne cause pas de problème en Belgique, il en va tout autrement au Québec et les membres du Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec le savent fort bien, à moins d’être isolé dans leur bulle universitaire et ainsi refermés sur eux-mêmes au point de faussement percevoir la vie hors des murs de leurs institutions.
Le Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec souligne que la publication Mémoires du livre / Studies in Book Culture est une revue internationale :
Il publie la revue internationale Mémoires du livre/Studies in Book Culture (disponible sur le portail Érudit). En lien avec son milieu, le GRÉLQ a conclu des ententes de partenariat avec plusieurs institutions liées au monde du livre, notamment Bibliothèques et Archives nationales du Québec et l’Association des éditeurs de livres. Source
Selon moi, la scène internationale n’est pas une raison pour occulter les caractéristiques et les sensibilités de la culture québécoise, surtout si on se dit en lien avec son milieu. Après tout, ne s’agit-il pas d’un groupe de recherche sur « le livre au Québec ». Or, dans ce numéro de cette revue, le mot « Québec » ne fait partie que d’un « Varia » (hors thématique) (selon le moteur de recherche mis à disposition sur le site web ) :
Enfin, dans la rubrique « Varia » (hors thématique), Stéphane Labbé présente une étude empirique des pratiques actuelles en matière d’emprunts de livres numériques dans les bibliothèques publiques autonomes du Québec. Ce faisant, il dresse un portrait inédit des nouvelles habitudes des lecteurs face à un support qui n’est certes pas « sauvage », mais qui suppose une circulation nettement moins traditionnelle que l’objet-livre. Source
Les travaux universitaires dans le domaine du livre au Québec ne peuvent pas être généralisés sur la scène internationale, pas même dans le seule sphère de la francophonie, parce que notre LOI DU LIVRE (Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre) est unique au monde. Ce qui se passe dans les entreprises québécoises dans le domaine du livre ne se passe pas ailleurs dans le monde.
Au Québec, les marginalités possibles des « littératures minoritaires » ne sont pas le simple fait du marché du livre. Ils sont dictés par une loi, la LOI DU LIVRE. Tous les livres qui n’entrent pas dans ce cadre législatif sont marginaux et minoritaires. Ainsi, l’autoédition, l’autopublication, l’édition à compte d’auteur ou autres types d’édition non traditionnels n’entrent pas dans ce cadre législatif; la LOI DU LIVRE est exclusive et non inclusive. Nous sommes en marge par force de loi.
Il en va tout autrement de l’autoédition dans les autres provinces canadiennes, en France et partout ailleurs dans le monde. Par exemple, chez nos voisins du sud où dès 2009 le nombre de titres autoédités a dépassé le nombre de titres édités traditionnellement (source).
[…] exprimé cette promesse il y a quelques jours en introduction de ma prise de position « Votre éditeur prend position : Le Groupe de recherches et d’études sur le livre au Québec quali… ». Ce groupe de recherche a consacré tout un numéro de la revue Mémoires du livre / Studies in […]
[…] à la vue de leurs œuvres qu’ils ont eu le courage de compléter. Et peu nous importe qui des universitaires traitent nos œuvres de « littérature sauvage ». Nous sommes des amateurs et nous en sommes fiers. Nous méritons le respect ne serait-ce que pour […]
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