
« Comment le réel a déjoué mes plans » : de quelques romans contemporains sur l’emprise par le récit
Frédéric Claisse et Justine Huppe, Université de Liège, U.R. Traverses
Frédéric Claisse et Justine Huppe, Université de Liège, U.R. Traverses, « « Comment le réel a déjoué mes plans » : de quelques romans contemporains sur l’emprise par le récit », Fabula / Les colloques, Pratiques contre-narratives à l’ère du storytelling. Littérature, audiovisuel, performances, URL : http://www.fabula.org/colloques/document6092.php, page consultée le 25 juillet 2020.
L’un des mérites paradoxaux des pratiques de storytelling, que Christian Salmon a contribué à faire connaître au public francophone(1), réside dans le crédit dont bénéficie aujourd’hui l’idée de pouvoir du récit. Cette idée place en effet les producteurs littéraires dans une position ambivalente : d’un côté, le storytelling est perçu comme une menace à l’autonomie des écrivains et une atteinte au capital fictionnel dont ils se sentent les dépositaires légitimes ; mais d’un autre côté, par le pouvoir qui lui est reconnu, le récit représente aussi une arme à mobiliser dans une entreprise de guérilla contre-narrative, et peut-être même un moyen pour la littérature de reconquérir ses pouvoirs premiers.
Dans cette logique d’affrontement, on s’est cependant peu soucié, au fond, de ce que la littérature elle-même a à dire sur le sujet. Or, on assiste depuis quelques années à une prolifération de fictions littéraires qui placent au centre de leurs intrigues cette question du pouvoir du récit. Ce sont certaines de ces œuvres qui nous préoccuperont ici(2).
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Voir Christian Salmon, Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2007.
La présente étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche collective née en 2015 : le projet STORYFIC, financé par le FNRS (Belgique) sous la direction de Jean-Pierre Bertrand (Université de Liège). Notre corpus est constitué des œuvres suivantes : Antoine Bello, Les Falsificateurs (tome 1), Les Éclaireurs (tome 2), Les Producteurs (tome 3), Paris, Gallimard, 2007, 2009 et 2015 ; Mika Biermann, Mikki et le Village miniature, Paris, P.O.L, 2015 ; Emmanuel Carrère, Un roman russe, Paris, P.O.L, 2007, J.M. Erre, Prenez soin du chien et Le Grand N’importe Quoi, Paris, Buchet-Chastel, 2006 et 2016 ; Alain Farah, Pourquoi Bologne, Montréal, Le Quartanier, 2013 ; Iegor Gran, La Revanche de Kevin, Paris : P.O.L, 2015 ; Pierre Lemaître, Travail soigné, Paris, Le Masque, 2006 ; Antoine Mouton, Le Metteur en scène polonais, Paris, Christian Bourgois, 2015 ; Pierre Senges, Veuves au maquillage, Paris, Verticales, 2000 ; Steve Tesich, Karoo [1998], trad. Fr. A. Wicke, Toulouse, Monsieur Toussaint Louverture, 2012 ; Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, Paris, Jean-Claude Lattès, 2015.
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« Comment le réel a déjoué mes plans » : de quelques romans contemporains sur l’emprise par le récit
« Comment le réel a déjoué mes plans » : de quelques romans contemporains sur l’emprise par le récit
Frédéric Claisse et Justine Huppe, Université de Liège, U.R. Traverses
Frédéric Claisse et Justine Huppe, Université de Liège, U.R. Traverses, « « Comment le réel a déjoué mes plans » : de quelques romans contemporains sur l’emprise par le récit », Fabula / Les colloques, Pratiques contre-narratives à l’ère du storytelling. Littérature, audiovisuel, performances, URL : http://www.fabula.org/colloques/document6092.php, page consultée le 25 juillet 2020.
L’un des mérites paradoxaux des pratiques de storytelling, que Christian Salmon a contribué à faire connaître au public francophone(1), réside dans le crédit dont bénéficie aujourd’hui l’idée de pouvoir du récit. Cette idée place en effet les producteurs littéraires dans une position ambivalente : d’un côté, le storytelling est perçu comme une menace à l’autonomie des écrivains et une atteinte au capital fictionnel dont ils se sentent les dépositaires légitimes ; mais d’un autre côté, par le pouvoir qui lui est reconnu, le récit représente aussi une arme à mobiliser dans une entreprise de guérilla contre-narrative, et peut-être même un moyen pour la littérature de reconquérir ses pouvoirs premiers.
Dans cette logique d’affrontement, on s’est cependant peu soucié, au fond, de ce que la littérature elle-même a à dire sur le sujet. Or, on assiste depuis quelques années à une prolifération de fictions littéraires qui placent au centre de leurs intrigues cette question du pouvoir du récit. Ce sont certaines de ces œuvres qui nous préoccuperont ici(2).
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1 Voir Christian Salmon, Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2007.
2 La présente étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche collective née en 2015 : le projet STORYFIC, financé par le FNRS (Belgique) sous la direction de Jean-Pierre Bertrand (Université de Liège). Notre corpus est constitué des œuvres suivantes : Antoine Bello, Les Falsificateurs (tome 1), Les Éclaireurs (tome 2), Les Producteurs (tome 3), Paris, Gallimard, 2007, 2009 et 2015 ; Mika Biermann, Mikki et le Village miniature, Paris, P.O.L, 2015 ; Emmanuel Carrère, Un roman russe, Paris, P.O.L, 2007, J.M. Erre, Prenez soin du chien et Le Grand N’importe Quoi, Paris, Buchet-Chastel, 2006 et 2016 ; Alain Farah, Pourquoi Bologne, Montréal, Le Quartanier, 2013 ; Iegor Gran, La Revanche de Kevin, Paris : P.O.L, 2015 ; Pierre Lemaître, Travail soigné, Paris, Le Masque, 2006 ; Antoine Mouton, Le Metteur en scène polonais, Paris, Christian Bourgois, 2015 ; Pierre Senges, Veuves au maquillage, Paris, Verticales, 2000 ; Steve Tesich, Karoo [1998], trad. Fr. A. Wicke, Toulouse, Monsieur Toussaint Louverture, 2012 ; Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, Paris, Jean-Claude Lattès, 2015.
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Président éditeur, Fondation littéraire Fleur de Lys
Publié dans Actualité au jour le jour, Revues de presse